Pendant plus de vingt-cinq ans - de 1965 jusqu’à sa mort en 1991 - la tragédienne et directrice de théâtre Silvia Monfort écrit presque chaque jour à Pierre Gruneberg, l’homme de sa vie. Leurs professions respectives les séparent fréquemment : alors que ses obligations la retiennent à Paris, il est quant à lui professeur de ski à Courchevel l’hiver, et maître-nageur au Cap Ferrat l’été. Pendant trois décennies, Silvia se bat, loin de son amant, pour la vie théâtrale française, d’abord aux Tréteaux de France, puis dans ses trois théâtres successifs qu’elle construit à la force du poignet : le Carré Thorigny, le Nouveau Carré et enfin le Carré Silvia Monfort.
Cette correspondance mélange commentaires sur la vie théâtrale et réflexions sur l’actualité ; elle se lit comme le roman d’une grande tragédienne. Étonnante et bouleversante, elle montre toutes les forces qui ont animé la vie de Silvia Monfort, et révèle une personnalité hors du commun : combattante, passionnée, amoureuse absolue - de son amant, mais aussi du théâtre, et de la vie elle-même.
Édition établie et annotée par Danielle Netter
DANIELLE NETTER a eu la chance de faire ses débuts en tant que comédienne aux côtés de Silvia Monfort. Elle fut son assistante, et joua dans plusieurs de ses spectacles. Elle fut aussi sa photographe et son amie.
Extrait :
Annecy, 13 juillet 1965, 21 h, adressée au Cap-Ferrat. Mardi.
O doux, doux, doux, tendre, attentif, aimé.
Au réveil, ta lettre sur Audiberti.
Lorsque je te parlais de son livre, hier, j’ignorais encore sa mort.
J’ai eu beaucoup de peine. Beaucoup de peine aussi de n’avoir pu lui montrer la Pucelle avant. Et puis cette peine de savoir avec certitude que jamais plus on n’entendra ce qu’il pense, ce qu’il voit, ce qu’il déclare ou invente. Cette forme de la mort - la seule qui dépouille les survivants. Puisqu’on ne sait même pas si l’être devient poussière ou joie et qu’on ne peut donc ni le plaindre ni pleurer pour lui. Cette forme de la mort qui en pleine vie est insupportable à l’esprit, au cœur : vois - pouvons-nous nous-mêmes, un seul jour, cesser de nous dire comment nous voyons, sentons, ressentons de l’autre ? Alors ! Merci d’avoir pensé à me dire la peine que tu en avais ressenti. Cela me fait très chaud.
Il est vrai que, le soir, je me donne - moi, avec un tel bonheur
O si je peux transmettre la joie que j’éprouve, si totale, si haute, à jouer Électre, alors vrai, les spectateurs seront gâtés.
O comme j’aime ta conclusion : « si tu es grande dans Électre, alors tu seras heureuse ».
Silvia Monfort avec Danielle Netter
© Editions Illador • Siret 509 830 972 00022 • Diffusion : Editions Illador | Distribution : La Générale du livre • Plan du site • Mentions légales • Réalisation du site