Au lendemain de « l’étrange défaite » de juin 1940, près de deux millions de militaires français furent constitués prisonniers, dont environ quarante mille officiers. Ces hommes fauchés par l’Histoire, souvent fiancés, mariés, voire pères de familles, furent répartis dans les camps du Troisième Reich. Outre la faim et le froid, l’un des supplices infligés aux officiers fut l’ennui. En effet, une fois incarcérés dans les oflags - contrairement aux sous-officiers et aux soldats condamnés à travailler de force dans les stalags - leurs seules obligations étaient de répondre à l’appel du matin et du soir. La majorité d’entre eux dut attendre cinq longues années avant de retrouver un semblant de leur vie d’avant-guerre.
Par quels moyens ces prisonniers ont-il pu surmonter cette inactivité imposée dans de telles conditions, et garder un espoir de retour parmi les leurs ? Comment leurs familles ont-elles vécu leur absence et leur isolement ? La captivité a-t-elle pu vraiment s’arrêter à la Libération, alors que la société préféra rejeter ces prisonniers considérés comme les fautifs de la défaite ?
Alain Briottet n’a connu son père qu’à sept ans, lorsque ce dernier est revenu de sa captivité dans un oflag de Poméranie. Malgré leurs désirs respectifs de se rapprocher l’un de l’autre, un silence pudique sur toute la période de la guerre s’est installé dans la famille. Toute sa vie, l’auteur a cherché à imaginer et revivre la captivité de son père pour honorer son souvenir et celui de ses semblables.
Il nous livre ici un témoignage sur son enfance, la détention de son père, et le combat mené par sa mère pour retrouver son mari et élever ses enfants, mais aussi sur sa propre trajectoire d’adulte prisonnier de son passé familial.
Ce livre à la croisée du roman autobiographique et du récit historique a pour but essentiel de défendre la mémoire de ces hommes oubliés de l’Histoire. A la fois très présents dans les mentalités de nombreuses familles françaises et peu visibles dans l’historiographie, les vies des prisonniers dessinent les contours trop méconnus de la Seconde Guerre mondiale. L’éclairage qu’apporte l’auteur sur cette réalité permet d’espérer que la mémoire et la reconnaissance de ces vies bouleversées par la guerre, mais jamais réellement considérées, ne seront plus reportées sine die.
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